jeudi 10 janvier 2013

Conversations avec Primo Levi




Entre 1982 et 1986, Ferdinando Camon et Primo Levi se sont rencontrés à plusieurs reprises, pour une série d'entretiens. Le livre, qui les reprend, paraîtra quelques semaines avant que Primo Levi se donne la mort, en 1987. Le thème central en est évidemment l'expérience du Lager et une réflexion sur la Shoah.

Cette soixantaine de pages sont une bonne introduction à l'oeuvre de Primo Levi, pas seulement les livres qu'il a consacré directement aux camps de travail et d'extermination et à la Shoah, les échanges entre les deux écrivains étant parsemés de réflexion sur l'écriture, le sens d'écriture cette expérience, mais aussi ce qui amène à l'écriture, et concerne aussi son oeuvre littéraire.

Ce qui est remarquable, et que souligne bien Ferdinando Camon, c'est la réserve de Primo Levi, son absence de jugements, de critiques, de haine envers le peuple allemand, ou ceux qui ont mal agit. C'est ce qu'il raconte, comment il le raconte, pourquoi il le raconte qui va conduire les lecteurs à être révolté, à crier.  La précision des descriptions (des dessins parfois), des souvenirs, des événements et l'aspect extrêmement objectif que cela prend entraîne un malaise, une révolte, un dégoût quasi immédiat.

Une des énigmes, outre celle finale de l'existence de Dieu après avoir vécu une telle expérience, qui parcourt le livre est celle de savoir ce qui a permis la Shoah, l'extermination des Tsiganes, ces millions de morts. Comment le peuple allemand a-t-il laisser faire? Pourquoi ceux qui savaient mais ne voulaient pas voir étaient-ils si nombreux?

Il ne faut cependant pas croire qu'il fut facile de dire, de raconter pour Primo Levi. Se résoudre à écrire, parvenir à revenir sur ce traumatisme fut une épreuve... mais parvenir à faire publier 'Si c'est un homme', fut compliqué, cela prit plusieurs années, notamment, dit Primo Levi, à cause du refus d'une " personnalité de la littérature italienne, juive"... il a fini par paraître et devenir une des oeuvres phare de la littérature concentrationnaire.


C'est comme ça que ça finit :


Camon - En d'autres termes : Auschwitz, il ne peut donc y avoir de Dieu?

Levi - Il y a Auschwitz, il ne peut donc y avoir de Dieu (Sur le dactylogramme, il a ajouté, au crayon :  Je ne trouve pas de solution au dilemme. Je la cherche, mais je ne la trouve pas.)

Ferdinando Camon - Conversations avec Primo Levi - Gallimard (Collection Arcades), 1991





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