lundi 9 janvier 2012

Le pilon




Vingt ans de la vie d'un livre. De son impression à son départ pour l'Afrique où il espère rencontrer d'autres lecteurs et d'autres compagnons de bibliothèque. Passionnant et drôle. Ludique et surprenant. Le pilon, ça pend au nez de tous les livres, quel que soit leur auteur, et le livre-héros y pense dès sa naissance, ça l'obsède, la mort, la destruction et surtout l'oubli.
Du fonds de sa caisse, sous les piles de ses pareils. Sur la table des libraires. Sur les rayonnages des bibliothèques, publiques ou privées. Où qu'il soit, il nous raconte avec qui il vit, il nous rapporte ce que disent les autres livres, on écoute 'Les frères Karamazov' discuter avec 'Alice au Pays des Merveilles'. C'est qu'ils sont bavards les livres, et quand la nuit est tombé, ils discutent.
Et puis, ils ont leur préféré les livres. Celui-ci a une tendresse particulière pour celle qui l'a emmené en Grèce. Il garde quelques grains de sable de la plage où il l'accompagnait. Avec le temps, une page sera cornée, une trace grasse restera; il arrive qu'on leur redonne un coup de jeune, une nouvelle couverture par exemple.

C'est drôle, je l'ai dit, et c'est aussi très documenté. On en apprend beaucoup sur l'économie du livre, sur la vie littéraire, sur  comment ça se passe chez le libraire, chez le bouquiniste, sur comment fonctionne ce marché. Plus que beaucoup d'ouvrages savants sur ces questions et en plus agréable, 'Le pilon' c'est aussi une bonne façon de comprendre comme fonctionne le marché du livre, d'en savoir un peu plus sur cette relation étrange entre le lecteur et ses livres.

Le pilon - Paul Desalmand - Quidam, 2006


lundi 2 janvier 2012

Faute d'identité




On aura beau dire, mais Guéand, Hortefeux et Pasqua... la France aura fait fort en matière de ministres de l'Intérieur ... Pasqua, ce fut les charters expulsant des migrants; à l'époque cela remuait les foules et les médias, aujourd'hui, les charters, ou avions assimilés, qui expulsent les migrants en situation irrégulière décollent partout en Europe, et peu nombreux sont ceux qui dénoncent encore. Comme le dit Isabelle Stengers, nous sommes entrés dans la Barbarie, c'est-à-dire dans le temps où l'impensable, l'ignoble, sont devenus banalités.

Les circulaires du même Pasqua prévoyaient, à la fin des années 1990, que toute personne résidant en France et souhaitant renouveler sa carte d'identité pouvait être tenue de prouver sa nationalité française, c'est-à-dire de prouver qu'elle a bien des origines françaises.  Ici aussi, ce qui avait remué les médias est devenu banal, banal sauf pour ceux qui, tout à coup, doivent prouver leur origine, leur nationalité, leur identité.

C'est ce qui arrive, en novembre 2009, à Michka Assayas; celui qui a réalisé ce passionnant Dictionnaire du Rock, fils de Raymond Assayas, dit Jacques Rémy, parce que dans le cinéma des années 1930, Assayas ça faisait quand même très très juif..., scénariste célèbre du cinéma français.  Souhaitant renouveler ses papiers, il a perdu son passeport, M. Assayas va être confronté à l'absurdité de devoir prouver, à passer 50 ans de vie en France, pays où il est né, qu'il est français.  

Ce texte est une démonstration de l'absurdité de cette démarche, absurdité de demander à quelqu'un de prouver qu'il existe, qu'il est bien celui qu'il dit être... Assayas le raconte bien. Mais cet événement vient chambouler l'évidence. Tout à coup, à force de rechercher des documents prouvant que, attestant que..., revient en mémoire toute une vie. C'est l'occasion pour Assayas, de retourner vers les racines familiales, en Turquie pour le père, en Hongrie pour la mère. Et paradoxalement, ce qui devait constituer une manière de prouver son attachement à la France et sa légitimité à y vivre, va aboutir, pour lui, à se rendre compte que ce pays, où il a tous les droits de vivre (cela sera finalement établi, documents à l'appui), n'est pas le sien, cette suspicion qui du jour au lendemain lui a collé à la peau, a conduit à l'évidence que si l'on est étranger un jour, on le restera toujours.


Faute d'identité - Michka Assayas - Grasset, 2011