mardi 20 août 2013

Manuel de survie à l'usage des incapables




Si Quentin Tarantino écrivait, il aurait sans doute essayé un truc du genre, mais il ne serait pas parvenu à nous mener à la page 408 de ce manuel duquel on sort plus fort et plus vivant, un peu comme la romaine qu'on vient de passer sous l'eau fraîche.

Ce Manuel c'est Chuck Palaniuk qui rencontre Erci Sadin et ses avertissements sur l'Humanité augmentée, notre avenir d'humanoïde numérisé qui ne perd rien pour attendre, mais qui sera bientôt dépassé par son ombre. Je sais, ça ne veut rien dire, ou pas grand chose, mais c'est un peu ça que nous raconte Thomas Gunzig, ce qui nous attend, c'est un monde où on fera semblant de tout comprendre, mais où on ne se rappellera plus qu'on a eu des parents et que même si l'on s'en souvient, on ira leur rendre visite mais ils ne nous regarderont pas vraiment, perdus qu'ils seront dans les souvenirs de leurs exploits de gang-bangueurs ou au niveau 75 d'un jeu en ligne où l'on massacre à tours de manette. Un monde où si les loups ont des dents, ils parlent, braquent des banques et tombent amoureux d'avatars de serpents verts. C'est un monde, pour bientôt, pour demain, où même la Mort a été privatisée, où Ikea s'occupe de vos vieux os, où Dieu a fait faillite et a tout revendu à bas prix au Capital qui a tout remis en rayons et vous le fait payer cash.

Je ne vous raconterai rien de plus, vous irez lire par vous-même, car c'est d'abord un bon moment de lecture où il y a de l'amour, de la bagarre et tutti quanti. C'est du western spaghetti où le shérif s'appelle Tich, un péplum survitaminé, un film de Bruce Lee où Chuck Norris aurait six bras. Alors foncez et régalez-vous!


C'est comme ça que ça finit :  

En attendant de trouver la réponse, elle se dit qu'elle allait faire un peu de rangement. Dans cet état, l'endroit était vraiment invivable.


Thomas Gunzig : Manuel de survie à l'usage des incapables - Au Diable Vauvert, 2013

dimanche 12 mai 2013

Soit dit entre nous...



Voilà une sympathique petite collection au Castor Astral. "Soit dit entre nous..." c'est jusque là trois titres : "Soit dit entre nous... Ecrire m'emmerde" de Philippe Blasband;
"Soit dit entre nous... J'ai peur de tout" de Corine Jamar et "Soit dit entre nous... Je suis un ours" de Xavier Hanotte. Chaque volume est co-signé par un illustrateur Philippe Fonteyne pour Blasband, Muriel Logist pour Jamar et Hanotte.

Dans chaque volume, l'auteur, à partir d'un mot (tout va de A à Z, Apocalypse et Zut pour Corine Jamar), livre un partie de lui, des souvenirs, des réflexions, des confidences, ... sur la vie, sur son parcours, sur l'écriture, sur sa famille, etc. Oh, bien sûr, c'est léger et court, ce n'est pas une autobiographie, ni une longue réflexion sur le processus de création chez chacun, non, mais, et c'est là tout l'intérêt de l'exercice, ça donne envie ou pas de lire celui qui nous raconte des bouts de bouts. Philippe Blasband, j'ai tout lu, pas besoin de me convaincre. Des deux autres, c'est Xavier Hanotte que je vous conseille de rencontrer, si comme moi vous ne le connaissez pas; en tout cas, l'ours qu'il dit être me tente assez bien. A bientôt donc.

C'est comme ça que ça finit (pour Xavier Hanotte) : 

Zouave

Une question complètement gratuite me taraude à son sujet.  Qu'y a-t-il dans sa large culotte bouffante qui vaille qu'on y mette la main? Comme je n'ai pas eu de soeur, et qu'il n'y a plus de vrais zouaves, fussent-ils pontificaux, cela restera, je le crains, un mystère. Ou l'illustration de ma désespérante candeur.

"Soit dit entre nous..." - 3 titres - Castor Astral, 2012

 

mardi 30 avril 2013

Cote 400





Dans une autre vie, j'ai été bibliothécaire. Quatre années d'études, un an de travail en Bibliothèque publique, puis des années dans un Centre de documentation spécialisé. C'est dire que les livres, les lecteurs, les cotes de rangement, conseiller, ranger, classer, accueillir, lire (un peu), je connais. Eh bien, j'avais oublié que la cote 400 (jusqu'à 499) n'existe plus, enfin, elle est vide... auparavant elle hébergeait la linguistique qui désormais se trouve dans les 800 (allez savoir pourquoi on saute de 3 à 5 comme ça...); le court texte de Sophie Divry me l'a rappelé.

C'est excellent. Le monologue de cette vieille-fille/bibliothécaire (un des stéréotypes tenaces dont se moque l'auteur) qui tôt le matin découvre un lecteur endormi dans 'son' rayon géographie est relevé juste ce qu'il faut.  C'est l'occasion, pour elle, de le prendre à témoin et de lâcher, pendant quoi, une petite heure, tout ce qu'elle a sur l'estomac et le coeur : ses collègues d'en haut qui se la pètent, la culture qu'on méprise, les livres qu'on maltraite, les nouveautés inutiles et vite oubliées, et puis Martin, qui est souvent là, et à qui elle ne sait pas dire qu'il lui plait, parce qu'elle aime les hommes intelligents qui ont des rouflaquettes, les rayons les plus prisés et ceux où l'on ne va jamais, les hommes de 35 à 50 ans qu'on ne voit jamais, etc.

Tout cela est dit dans une logorrhée qu'on suit avec plaisir. Ce n'est pas un livre indispensable (mais c'est quand même rare les livres indispensables) mais c'est un livre qui remet quelques pendules à l'heure.


C'est comme ça que ça finit :

Chaque jour, je me dis : et s'il ne venait plus? Si tout était perdu? A quoi bon alors avoir coté tous ces livres? A quoi bon ma jeunesse passée dans des bibliothèques surchauffées? Oui, à quoi bon Simone de Beauvoir et Eugène Morel, si Martin ne vient pas?


Sophie Ivry : Cote 400 - Les Allusifs, 2010 (10/18, 2013 pour cette édition)