samedi 15 décembre 2012

Le Japon n'existe pas



Salvador Fuensanta passe ses journées à balayer les vastes salles de l'aéroport où il est employé, mais surtout, il aborde les voyageurs pour une raison quelconque et leur raconte des histoires qui occuperont leur temps d'attente. Il les fait voyager dans des endroits où ils n'iront jamais, il leur parle des villes d'où ils viennent et qu'ils n'ont pas vues de la même façon. Voilà donc le complément idéal à 'Comment parler des lieux où l'on a pas été' de Pierre Bayard. Parler de n'importe quel endroit, même sans y avoir été, rien de plus simple, il suffit de recourir aux lieux communs, aux stéréotypes, aux cartes postales que nous avons reçues, des histoires qu'on nous a racontées. Et puis surtout, il suffit de parler des gens qu'on y aura(it) rencontrés. Ce sont les gens et leurs (més)aventures qui font qu'on va s'intéresser à une histoire. Salvador Fuensanta est passé maître dans l'art de raconter et d'intéresser tous ceux avec qui il passe un peu ou beaucoup de temps, avec qui il prend un café, à qui il explique le langage de séduction de la revue qu'on agite, les amours et désamours des unes et des autres, de ce jeune homme qui a pris une arme parce qu'il en avait assez ou du Japon qui n'existe pas, qui n'est qu'une invention faite pour vendre du matériel de haute-technologie. 

Voilà un moment de lecture très prenant. On est comme ces voyageurs, un peu otage des histoires qu'il raconte, interrompt, reprend... on a envie de savoir, on complète parfois, on poursuit quand l'histoire est abandonnée. On pense aussi au 'Bar sous la mer' de Stefano Benni, on est au premier temps de l'histoire, au premier moment où l'on raconte et où on écarquille les yeux, où l'on se prend à rêver. La voix de Salvador Fuensanta est envoûtante, convaincante, comme celle des bons raconteurs d'histoire, on ne l'entend pas, mais on la reconnaîtrait entre cent, c'est aussi ça la réussite du livre.


C'est comme ça que ça finit :

"Vous connaissez Icare? C'est une très jolie légende sur un homme qui voulait voler. Il vivait avec son père. Ils étaient prisonniers dans un labyrinthe. Un jour, ils ont l'idée de fabriquer des ailes en cire pour s'échapper par les airs et ça a marché, ils ont agité les bras et se sont envolés du labyrinthe. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. En réalité, c'est juste le début... "

Alberto Torres-Blandina - Le Japon n'existe pas - Métaillé, 2009, 2012 (version poche)


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