Dans
une autre vie, j'ai été bibliothécaire. Quatre années d'études, un an
de travail en Bibliothèque publique, puis des années dans un Centre de
documentation spécialisé. C'est dire que les livres, les lecteurs, les
cotes de rangement, conseiller, ranger, classer, accueillir, lire (un
peu), je connais. Eh bien, j'avais oublié que la cote 400 (jusqu'à 499)
n'existe plus, enfin, elle est vide... auparavant elle hébergeait la
linguistique qui désormais se trouve dans les 800 (allez savoir pourquoi
on saute de 3 à 5 comme ça...); le court texte de Sophie Divry me l'a
rappelé.
C'est
excellent. Le monologue de cette vieille-fille/bibliothécaire (un des
stéréotypes tenaces dont se moque l'auteur) qui tôt le matin découvre un
lecteur endormi dans 'son' rayon géographie est relevé juste ce qu'il
faut. C'est l'occasion, pour elle, de le prendre à témoin et de lâcher,
pendant quoi, une petite heure, tout ce qu'elle a sur l'estomac et le
coeur : ses collègues d'en haut qui se la pètent, la culture qu'on
méprise, les livres qu'on maltraite, les nouveautés inutiles et vite
oubliées, et puis Martin, qui est souvent là, et à qui elle ne sait pas
dire qu'il lui plait, parce qu'elle aime les hommes intelligents qui ont
des rouflaquettes, les rayons les plus prisés et ceux où l'on ne va
jamais, les hommes de 35 à 50 ans qu'on ne voit jamais, etc.
Tout
cela est dit dans une logorrhée qu'on suit avec plaisir. Ce n'est pas
un livre indispensable (mais c'est quand même rare les livres
indispensables) mais c'est un livre qui remet quelques pendules à
l'heure.
C'est comme ça que ça finit :
Chaque jour, je me dis : et s'il ne venait plus? Si tout était perdu? A quoi bon alors avoir coté tous ces livres? A quoi bon ma jeunesse passée dans des bibliothèques surchauffées? Oui, à quoi bon Simone de Beauvoir et Eugène Morel, si Martin ne vient pas?
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