mardi 30 avril 2013

Cote 400





Dans une autre vie, j'ai été bibliothécaire. Quatre années d'études, un an de travail en Bibliothèque publique, puis des années dans un Centre de documentation spécialisé. C'est dire que les livres, les lecteurs, les cotes de rangement, conseiller, ranger, classer, accueillir, lire (un peu), je connais. Eh bien, j'avais oublié que la cote 400 (jusqu'à 499) n'existe plus, enfin, elle est vide... auparavant elle hébergeait la linguistique qui désormais se trouve dans les 800 (allez savoir pourquoi on saute de 3 à 5 comme ça...); le court texte de Sophie Divry me l'a rappelé.

C'est excellent. Le monologue de cette vieille-fille/bibliothécaire (un des stéréotypes tenaces dont se moque l'auteur) qui tôt le matin découvre un lecteur endormi dans 'son' rayon géographie est relevé juste ce qu'il faut.  C'est l'occasion, pour elle, de le prendre à témoin et de lâcher, pendant quoi, une petite heure, tout ce qu'elle a sur l'estomac et le coeur : ses collègues d'en haut qui se la pètent, la culture qu'on méprise, les livres qu'on maltraite, les nouveautés inutiles et vite oubliées, et puis Martin, qui est souvent là, et à qui elle ne sait pas dire qu'il lui plait, parce qu'elle aime les hommes intelligents qui ont des rouflaquettes, les rayons les plus prisés et ceux où l'on ne va jamais, les hommes de 35 à 50 ans qu'on ne voit jamais, etc.

Tout cela est dit dans une logorrhée qu'on suit avec plaisir. Ce n'est pas un livre indispensable (mais c'est quand même rare les livres indispensables) mais c'est un livre qui remet quelques pendules à l'heure.


C'est comme ça que ça finit :

Chaque jour, je me dis : et s'il ne venait plus? Si tout était perdu? A quoi bon alors avoir coté tous ces livres? A quoi bon ma jeunesse passée dans des bibliothèques surchauffées? Oui, à quoi bon Simone de Beauvoir et Eugène Morel, si Martin ne vient pas?


Sophie Ivry : Cote 400 - Les Allusifs, 2010 (10/18, 2013 pour cette édition)

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