mardi 6 novembre 2012

Quand l'empereur était un dieu




En 1941, les Américains se sont pris la pâtée à Pearl Harbour. Leur flotte du Pacifique s'est faite dézinguée par l'armée japonaise en moins de temps qu'il m'a fallu pour l'écrire. Ils n'ont rien vu venir. Enfin, il paraît, parce que, selon certains, ce n'était pas aussi surprenant que ça. Mais bon, je vous laisse vous faire votre idée par vous même, il suffit de taper 'Pearl Harbour' sur Google et vous aurez de la lecture.

En 1941, après la pâtée prise à Pearl Harbour, les Etats-Unis sont entrés en guerre contre le Japon. C'est une raison comme une autre. Sur le territoire américain vivaient des Americano-Japonais et en quelques semaines une centaine de milliers de ces citoyens seront internés dans des camps. Ils y resteront plusieurs années, le temps de la guerre.

C'est qu'Américano-Japonais, c'est pas vraiment américain. Alors pas de risque, on les enferme, loin, pour longtemps. C'est pour leur bien. C'est que les voisins, ceux avec qui on barbecuetait, avec qui on jouait, avec qui on discutait, vous regardent d'un autre oeil, vous qui avez les yeux, les cheveux et la même tête que ceux qui ont balancé des tonnes de bombes. Vous aurez beau être né dans le Massachusets, ne pas connaître le japonais et manger des hamburgers à tous les repas, rien à battre, vous êtes dorénavant l'ennemi, celui qu'on ne veut plus voir.

C'est ce que raconte Julie Otsuka; que je ne connaissais pas et qui  a reçu aujourd'hui le Prix Femina étranger 2012 pour son deuxième roman.  Un matin, un papa disparaît, emmené menotté de tôt matin en robe de chambre blanche. Quelques jours plus tard, le reste de la famille partira aussi. Ce seront des jours à ne rien faire, à attendre qui sait quoi. Ne rien dire. Baisser la voix, les yeux. Le retour aura lieu. Chacun ou presque, il y aura des exécutions, reviendra chez lui. Et là, on découvre que la maison a été occupée, vidée, saccagée, détruite parfois. On retrouve les voisins qui font comme si. Comme s'ils n'ont rien vu. Comme s'ils ne savaient pas. Comme si vous étiez partis en week-end pour pécher.

Tout cela est raconté avec une écriture sèche, sans effets inutiles. Il ne se passe pas grand chose et le presque rien devient l'affaire d'une journée. Une fleur. Une poussée de vent. Le lit de la cabane d'à-côté qui craque. L'attente des lettres du père qui ne raconte rien. On est chez soi, on doit quitter sa maison, on passe des années dans le désert, puis on revient. Rien n'a changé. Tout a changé. Les deux enfants ne se sentiront plus jamais chez eux dans ce pays où quoi qu'ils feront ils seront ceux par qui la menace est présente.

 

... ça finit comme ça :

Avisez-moi des crimes qui me sont reprochés. Trop petit, trop brun, trop laid, trop fier. Consignez tout cela par écrit - montre une certaine nervosité au cours de la conversation, rit toujours trop fort et au mauvais moment, ne rit jamais - et je signerai sur les pointillés. Est perfide et rusé, est impitoyable et cruel. Et si un jour on vous demande ce qu'en fin de compte je brûlais de dire, j'aimerais, si vous le voulez bien, que vous répondiez ceci :
Pardon.
Voilà. C'est tout. Je l'ai dit. Puis-je disposer, maintenant?


Julie Otsuka -Quand l'empereur était un dieu - Phébus, 2004, 180p (ou 10/18, 2008)

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